Trolleybus, mobilité d’une autre époque ?

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Les plus âgés d’entre vous ont peut-être le souvenir d’avoir voyagé à bord d’un trolleybus à Liège, à Bruxelles ou à Gand. Mais pour beaucoup d’entre, ce mode de déplacement est peu ou pas connu. Il en vaut pourtant la peine. A l’heure où la pollution de l’air devient problématique dans la plupart de nos villes, proposer un mode de transport collectif non polluant et qui ne nécessite pas une infrastructure trop conséquente est certainement une piste à explorer. Car s’il a été totalement abandonné chez nous (dernière circulation le 14 juillet 2009 à Gand), ce n’est pas le cas partout. Et à l’instar du tram, ce mode de transport ne pourrait-il pas, lui aussi, regagner ces lettres de noblesse ?

Le trolleybus, carte d’identité

Le trolleybus est un véhicule électrique de transport en commun de voyageurs. Ce véhicule original est en quelque sorte un mode de transport hybride entre un tram et un bus. Il possède la technique de propulsion du premier et la souplesse d’exploitation du second. Effectivement, monté comme un autobus, le trolleybus n’est cependant pas propulsé par un moteur thermique, mais par un moteur électrique. Son courant lui est fourni par deux fils conducteurs, généralement appelées « lignes aériennes de contact » (LAC).

Un deuxième fil est nécessaire pour prévoir le retour du courant (mise à la terre) qui ne peut pas se faire par le contact roue-rail comme dans un tram ou train. Les trolleybus sont à distinguer des bus électriques ou hybrides qui fonctionnent avec des batteries qui doivent être rechargées à des stations ou via un moteur thermique puisqu’ils n’ont pas de perches pour capter le courtant des LAC.

Presque tous les trolleybus récents sont tout de même équipés d’un générateur diesel afin de pouvoir se déplacer à vitesse réduite dans des espaces dépourvus de LAC, par exemple lors de déviations pour travaux ou lors de manœuvres de garage. Grâce aux améliorations technologiques concernant les batteries qui deviennent plus performantes (super-condensateurs et LTO-batterie), le générateur diesel est en train de disparaître sur les trolleybus et est remplacé par des batteries.

Wikipédia nous indique qu’environ 315 réseaux de trolleybus sont actuellement en fonctionnement dans les villes de 45 pays différents.

Bref historique

Le trolleybus a déjà un passé relativement ancien. En 1879, Werner von SIEMENS a présenté la première locomotive électrique du monde à Berlin. Deux ans plus tard, à proximité du Berlin, le premier tram électrique a circulé. Et finalement, une troisième fois, inventé par Werner von SIEMENS toujours, le premier «trolleybus» est né en 1882, mis en service à Halensee dans la banlieue de Berlin, sur un tronçon de 500 mètres. Ce véhicule ressemblait alors aux calèches de l’époque tirées par des chevaux qui ont été remplacés par deux moteurs électriques (2x 2,2kW). L’alimentation des moteurs se fait par un chariot à roulettes qui capte le courant des deux fils conducteurs et qui traine derrière la calèche électrique. Ce premier trolleybus n’a pas eu de succès pour deux raisons: le captage de courant sur la ligne aérienne peu fiable et les mauvaises routes de l’époque (une des raisons qui explique le succès du tram à l’époque).

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Premier trolleybus de Siemens en 1882 à Berlin (Allemagne). Source : Wikipédia

Le concept évolue et bénéficie d’évolutions technologiques (chariot automoteur synchronisé au véhicule, recours à la perche…). Ces évolutions suivent celles des autobus (puissance des moteurs, pneumatiques…). Ce type de transport suscite de l’intérêt un peu partout dans le monde. A la veille de la première guerre mondiale, la technologie de trolleybus a atteint une certaine maturité. Mais sa vraie percée se fait à l’entre-deux-guerres. Des lignes ouvrent les unes après les autres, des réseaux se développent, en Allemagne, en France, en Suisse, au Royaume-Uni, aux Etats Unies, dans l’Union soviétique, en Italie, en Belgique…

Un deuxième essor du trolleybus a lieu au lendemain de la seconde Guerre Mondiale. A de nombreux endroits, il est plus simple de mettre en place un service de trolleybus plutôt que de renouveler les voies de tram endommagées par la guerre. Dans les villes petites et moyennes, le trolleybus commence à remplacer le tram. De plus, la souplesse de ce mode de transport est un argument convaincant face à l’augmentation de la densité de trafic.

Ainsi, Liège, avec une vingtaine de lignes a possédé le réseau de trolleybus le plus dense de Belgique, et même d’Europe. ependant, les années ’60 avec l’essor de l’automobile conduisent à la déchéance de ce réseau qui peu à peu disparaît au profit des autobus thermiques et des voitures particulières. Le dernier trolleybus quitte le paysage liégeois en 1971, mettant un terme à plus de 40 ans d’existence dans la cité principautaire.

Portrait moderne

Le trolleybus n’a pas disparu partout, et il s’est dans la foulée modernisé. Depuis environ 10 ans, on constate une certaine renaissance de ce type de moyen de transport collectif. Des programmes de recherches comme TROLLEY, des conférences dédié comme trolley:motion sont les signes d’un nouvel intérêt pour cette technologie. Tout comme les véhicules de bus ou de tram, ceux des trolleybus ont évolué et les dernières versions construites ont des allures contemporaines, offrant les facilités attendues d’un transport collectif moderne : plancher bas, doubles portes, plateforme d’accueil spacieuse, information en temps réel, etc. Plus spécifiquement, c’est l’automatisation de la levée et du retrait des perches et le remplacement du générateur diesel par des batteries qui ont motivé le retour du trolleybus ces dernières années. Ces deux innovations ne permettent pas simplement de franchir des sections perturbées par des travaux, mais aussi de se passer d’aiguillages aux carrefours des différents lignes et de rouler sous mode batterie sur des distances courtes.

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En haut : intérieur d’un trolleybu Iribus Cristalis (ETB)/ En bas : trolleybus HESS SWISSTROLLEY

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Même si la Belgique n’a plus de ligne trolleybus, le producteur belge Vanhool a encore des trolleybus dans son catalogue. Il y a d’autres producteurs comme Skoda, Solaris, Hess, Neoplan etc. qui en produisent en collaboration avec un partenaire responsable pour la partie électrique (chaîne de traction).

La Suisse, pays comparable à la Belgique en terme de taille et de structure de villes moyennes et petites, a conservé et continue à développer ses réseaux de trolleybus. À l’heure actuelle, douze villes helvétiques exploitent ce mode de transport écologique, à savoir : Genève (6 lignes), Lausanne (11 lignes), Vevey-Montreux-Chillon-Villeneuve (VMCV) (1 ligne), Fribourg (3 lignes), Neuchâtel (4 lignes), Bienne (2 lignes), Berne (3 lignes), Lucerne (7 lignes), Zurich (6 lignes), Winterthour (3 lignes), Saint-Gall (4 lignes) et Schaffhouse (1 ligne).

Plusieurs villes suisses ont la particularité de posséder des trolleybus de haute capacité, véhicules articulés à 3 caisses avec 2 articulations – on parle des trolleybus double articulés –, à savoir les villes de Genève (TPG), Lucerne (VBL), Zürich (VBZ) et Saint-Gall (VBSG). Les villes de Lausanne (TL) et de Lucerne (VBL) disposent, en plus de trolleybus articulés, de trolleybus standard tractant une remorque. Après Shanghai en Chine, la ville de Lausanne a le deuxième plus ancien réseau trolleybus du monde, exploité sans interruption depuis 1932.

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Trolleybus à Lausanne avec remorque mise en service à partir de 1986 et encore en exploitation.

Avantages et inconvénients

Comparer les avantages et inconvénients de ce mode de transport par rapport aux alternatives bus et tram est un exercice qui a déjà été réalisé par beaucoup d’autorités organisatrices de transport et d’opérateurs de transports publics. C’est un exercice très délicat, car très peu de données fiables sont disponibles. En Wallonie, cet exercice a été réalisé par la SRWT pour déterminer le choix du mode de transport structurant le plus approprié pour l’axe de la Vallée liégeoise.

Le tableau ci-dessous reprend une synthèse (non exhaustive) des principaux avantages et inconvénients qui peuvent être attribués au trolleybus. Bien entendu, seulement une analyse spécifique liée à l’environnement du projet concret permet de déterminer le choix du mode le plus approprié (Niveau de la demande actuelle et potentielle ? Nécessité et possibilité d’un site propre ? Budgets d’investissements et d’exploitation envisagés ? Mesures d’accompagnement prévues ? Existence d’un dépôt ? Compétence du personnel ? Etc.) Le trolleybus «standard» que nous avons pris pour la comparaison est un véhicule articulé équipé avec une batterie qui permet de circuler sur des courtes distances hors réseau électrique.

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Quelques chiffres

Voici quelques chiffres issus de la littérature (suisse).

  • Coût de construction d’1 km de ligne trolleybus (deux bandes) sous-stations inclus : 1,5 million d’euros
  • Capacité de transport : env. 150 personnes pour un trolleybus articulé et 200 personnes pour un trolleybus double articulé
  • Capacité de transport avec des trolleybus double articulés : 100 000 voy. transportés par jour ouvrable dans les deux sens confondus (ligne de trolleybus 31 et 32 à Zurich, cadencement 7,5 min)
  • Performance des moteurs électriques dans un trolleybus articulé : jusqu’à 320 kW (deux essieux entrainés)
  • Puissance de la batterie : entre 30 et 70 kWh selon le souhait
  • Autonomie hors réseau électrique : 1,5 km par course (dépendant du profil de la ligne et de taille des batteries installées)
  • Consommation d’énergie (dépendant du type du véhicule et du profil de la ligne) entre 1,5 à 3,2 kWh/
  • kmCoût d’achat d’un trolleybus articulé : env. 1 million d’euros (dépendant de l’équipement et de la taille du lot commandé)

Pourquoi s’intéresser au trolleybus aujourd’hui ?

Pour beaucoup, probablement, un débat sur le retour du trolleybus
n’a pas lieu d’être. A l’heure de l’essor des bus hybrides et électriques, du développement des batteries et des supercondensateurs, pourquoi alourdir nos paysages urbains de lignes aériennes de contact ?

Il y a certainement des raisons économiques qui pourraient être mises en avant, mais ce sont les raisons environnementales qui bien entendu nous intéressent plus particulièrement ici. Et malheureusement, si les bus électriques apportent une solution aux enjeux de la pollution de l’air et du changement climatique (quoiqu’ils soient plus consommateurs d’énergie qu’un trolleybus), ils ont besoin pour leurs batteries de ressources dont l’exploitation a des impacts environnementaux majeurs. Le développement à très large échelle (mondiale) des bus électriques pourrait poser la question de l’épuisement de ces ressources, d’autant plus si on poursuit en parallèle la consommation d’autres produits (voiture électrique, smartphone,… mais aussi panneaux photovoltaïques, éoliennes) qui en nécessitent. N’oublions pas que pour maximaliser la souplesse d’exploitation des trolleybus, on choisit bien souvent d’équiper ceux-ci d’une batterie également, mais de taille nettement moindre. Bien entendu, il y a l’espoir de parvenir à toujours mieux recycler ces batteries et les ressources qu’elles contiennent. Mais pourquoi choisissons-nous si souvent de construire nos solutions sur des espoirs technologiques futurs quand des solutions techniques éprouvées et efficientes existent déjà ?

Face au démantèlement du réseau des tramways vicinaux à la fin des années 50, qui aurait cru qu’en 2018, les travaux d’une nouvelle ligne de tram allaient débuter à Liège ? On verra si le trolleybus ne reviendra pas chez nous….

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Trolleybus double articulé (http://www.hess-ag.ch/fr/busse/trolleybusse/trolleyreferenzen.php)

Sources bibliographiques :

Juliette Walckiers

Anciennement: Mobilité