Nos propositions pour une fiscalité verte

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Les quatre fédérations environnementales belges (Inter-Environnement Wallonie, le Bond Beter Leefmilieu, le Brusselse Raad voor het Leefmilieu et Inter-Environnement Bruxelles) ont mis leurs expertises en commun et réalisé un important travail d’analyse et de prospective qui a débouché sur onze propositions concrètes visant à verdir la fiscalité de notre pays. La mise en ½uvre de ces mesures devrait non seulement générer des recettes supplémentaires mais aussi et surtout permettre d’amorcer la nécessaire transition économique répondant aux enjeux du changement climatique et à la raréfaction des matières premières. Elle devrait par ailleurs générer une réduction de coûts importants et souvent négligés dans l’évaluation des recettes et dépenses publiques, par exemple en matière de santé publique.

Les onze propositions peuvent être mises en ½uvre dès aujourd’hui mais devraient, de préférence, s’intégrer dans le cadre d’une réforme plus globale des finances publiques. Le mouvement environnemental appelle ainsi à ce que l’impact social des mesures proposées soit considéré et, le cas échéant, pallié par des mesures compensatoires. Les personnes défavorisées se trouvent en effet souvent au premier plan, supportant le plus souvent les coûts externes imputables à une économie non durable. Pilier environnemental et pilier social sont donc à considérer de pair.

Les taxes liées à l’environnement sont, par nature, des mesures incitatives visant à l’amélioration de la qualité de l’environnement au sens strict du terme. Elles peuvent néanmoins, dans certains cas, être budgétaires (c’est le cas des mesures visant à supprimer les subsides dommageables à l’environnement). Qu’elles soient incitatives et/ou budgétaires, ces mesures permettent en tous les cas de réduire les coûts externes indirects, aujourd’hui indûment supportés par la collectivité.

En Belgique, le bilan en matière de fiscalité environnementale n’est pas brillant et nous vaut régulièrement des rappels à l’ordre d’institutions internationalement reconnues. Dans son dernier rapport consacré à notre pays[[Études économiques de l’OCDE : Belgique 2011.]], l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique écrit ainsi : «Pour que les objectifs environnementaux soient atteints pour un coût minimal dans l’ensemble de l’économie, les pollueurs devraient supporter le coût marginal des externalités qu’ils imposent, ce qui devrait être obtenu par un recours accru à la taxation environnementale.»

Les taxes environnementales sont en effet chez nous parmi les plus faibles d’Europe et nous avons dans le même temps un recours régulier aux subsides dommageables à l’environnement, le régime des voitures de société étant l’exemple le plus flagrant. Pourtant, si la Belgique relevait le niveau de sa fiscalité environnementale au niveau européen moyen, elle amasserait des recettes supplémentaires de l’ordre de 1 % du PIB…

Qui dit taxes dit recettes et la démarche proposée n’aura de sens que si celles tirées de la fiscalité verte sont effectivement utilisées en vue d’engager notre société sur la voie de la transition économique. Enfin, dans la mesure où les propositions visent à la fois les compétences fédérales et les compétences régionales, il est également indispensable que les deux niveaux de pouvoir s’accordent, notamment sur la charge fiscale globale du pays.

11 mesures concrètes

Quatre mesures permettant d’amorcer la transition vers une économie bas carbone

  • Contribution climat énergie : moduler les accises sur l’énergie en fonction de considérations environnementales permettrait de réduire les consommations énergétiques et les émissions de CO2 dans tous les secteurs et, par là, nous aider à tendre aux objectifs climatiques européens ;
  • Objectif de réduction des émissions de CO2 de 30 % : revoir à la hausse l’ambition européenne en matière climatique est non seulement bénéfique en termes de lutte contre le changement climatique, ce l’est également sur le plan économique, des moyens financiers supplémentaires pouvant être dégagés et affectés à des politiques énergétiques, parmi lesquelles les économies d’énergies et le développement des énergies renouvelables ;
  • Une taxe nucléaire, justifiée par l’amortissement accéléré des centrales nucléaires, mettrait un terme à l’avantage concurrentiel dont jouissent les producteurs d’énergie nucléaire et permettrait aux investissements de demain d’être compétitifs ;
  • Mettre un terme aux avantages fiscaux dont jouissent les agrocarburants éviterait de soutenir des carburants dont la durabilité environnementale est sérieusement mise en doute et dont la mise en ½uvre est inefficace tant sur le plan environnemental qu’économique.

Quatre mesures visant prioritairement à réduire l’impact environnemental des transports motorisés

  • Voitures de société : la rémunération au travers des voitures de société permet inéluctablement d’éluder l’impôt à grande échelle, ce qui n’est pas sans impacts sociaux, notamment sur la pérennité de notre système de sécurité sociale. Tant l’achat d’une voiture de société que son utilisation sont des moments clés sur lesquels il convient d’influer afin d’en réduire les coûts sociétaux ;
  • Achat d’une voiture : l’achat d’une voiture constitue un moment-clé pour le consommateur. D’une part car c’est à ce moment que doit être posée la question de l’utilité réelle de la possession d’un véhicule. D’autre part parce que le choix du véhicule déterminera l’importance des impacts environnementaux durant toute sa durée de vie. Une fiscalité adéquate à l’achat permettrait de réorienter correctement ces choix d’acquisition ;
  • Utilisation d’une voiture : l’impact environnemental de l’utilisation d’une voiture est très important; peut être atténué par l’ajustement des accises en fonction de considérations environnementales, l’instauration d’une taxe kilométrique intelligente ou d’un péage urbain ;
  • Transport aérien : le transport aérien jouit actuellement d’une distorsion de concurrence face aux autres modes de transport, notamment du fait de la non-taxation du carburant et de l’exonération de la TVA sur les billets d’avion. L’instauration d’une taxe sur les billets, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays européens (dont le Danemark, la France et le Royaume-Uni) serait un premier pas sur la voie d’une utilisation plus raisonnée du mode de transport le plus polluant.

Autres mesures proposées

  • Une taxe sur les pesticides, différemment appliquée en fonction du type d’utilisateurs (professionnels ou particuliers), limiterait non seulement les impacts négatifs de ceux-ci (santé, environnement, biodiversité, etc.) mais inciterait également au développement d’alternatives durables. Une partie des recettes pourrait être reversée aux organismes publics et privés qui aujourd’hui supportent les coûts externes liés à l’utilisation des pesticides ;
  • Révision de la fiscalité liée au logement : un réajustement du revenu cadastral et du précompte immobilier devrait rendre la ville plus attrayante et limiter ainsi l’exode urbain avec toutes ses répercussions négatives en termes d’espace, de mobilité, etc. Les recettes supplémentaires générées pourraient être dédiées au renforcement de politiques de base des villes et communes ou encore à l’abaissement des droits d’enregistrement.

Les quatre fédérations environnementales ont rencontré les responsables et experts des partis du Nord et du Sud du pays afin de leur présenter et expliciter ces mesures. Elles espèrent désormais que leur analyse sera partagée par les politiques présents à la table des négociations en vue de la constitution du prochain gouvernement et en particulier par le formateur Elio Di Rupo…

Vous trouverez en annexe le cahier de revendications « fiscalité verte » des quatre Fédérations environnementales dans sa version intégrale.