La voiture sans conducteur ? Bien. Mais il y a mieux !

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Ces derniers temps, les communications relatives aux projets de voitures sans conducteur se multiplient. Les medias y font largement écho, et les spécialistes et autres experts interrogés sont rarement avares de commentaires enthousiastes – voire de louanges enflammées. On sent poindre sous celles-ci la foi inébranlable en la technologie, fruit du génie humain, susceptible d’apporter réponse à tous les problèmes auxquels sont confrontés les individus comme les sociétés.

Qu’entend-on exactement par voiture sans conducteur ? Les définitions, interprétations et déclinaisons du concept varient, en fonction notamment de l’ambition de celles et ceux qui y travaillent. En gros, on peut s’accorder sur le fait qu’il s’agit d’un véhicule capable d’offrir des services identiques à une automobile conventionnelle, dans le trafic réel, sans infrastructure spécifique et de manière autonome, c’est-à-dire sans intervention humaine.
Un esprit critique pourrait remarquer que les voitures sont déjà toutes sans conducteur – durant les 95% du temps pendant lesquels elles sont stationnées. Et souligner que le défi pour la mobilité consisterait plutôt à leur donner un conducteur au-delà de 5% du temps. Mais, fi, il s’agit là d’auto-partage. C’est-à-dire, fondamentalement, de modifications comportementales. La technologie n’y intervient qu’à la marge. Puis l’objection ne tient pas vraiment : une voiture stationnée ne circule pas – et ne répond donc pas à la définition ci-dessus.

Sans en avoir l’air, on touche là au cœur du sujet. La voiture sans conducteur s’inscrit dans une démarche de recherche-développement, d’ingénierie, sous-tendue par des objectifs financiers, plutôt que dans une réflexion systémique visant à rendre la mobilité plus durable (version politiquement correcte) ou à en atténuer les nombreuses et dramatiques incidences (version trash, malheureusement assez représentative de la réalité). Les deux axes principaux à développer pour assurer la durabilité des transports sont connus, documentés, recommandés depuis longtemps : réduction de la demande et transfert modal.

On pourra répliquer que, ces recommandations étant effectivement datées, elles ne pouvaient tenir compte de la technologie de pointe dont il est question avec la voiture sans conducteur. Il n’est plus besoin, ici, d’intervention humaine. La machine contrôle tout. En résultent diminution des accidents et de la pollution.

La machine contrôle tout… L’esprit critique évoqué ci-dessus ne manquera pas de faire remarquer qu’en matière de contrôle, il y a sans doute, à la base, un désir de contrôler si pas « tout » du moins un marché potentiellement plus que juteux. Réflexion que d’aucuns qualifieront de procès d’intention, préférant savourer à l’avance les bénéfices de la voiture sans conducteur, dont le moindre n’est pas le confort : plus besoin de se concentrer sur la route.

Esprit critique, es-tu là ? Bien sûr, pour faire remarquer que cet avantage associé au fait de se laisser conduire est un des plus cités par les utilisateurs des transports en commun. Et que, si l’on veut le savourer sur tout le trajet, en « porte-à-porte », de nombreuses possibilités existent déjà : taxi (social ou non), telbus, covoiturage, …
Que conclure de cette petite analyse menée sur le mode badin ? Que réussir à faire rouler une voiture sans conducteur dans le trafic réel constitue une grande prouesse technologique. Que l’on peut comprendre l’enthousiasme des ingénieurs et techniciens qui y travaillent. Que l’on peut comprendre l’enthousiasme des zélateurs du génie humain en général et de la technologie en particulier (zélateurs parmi lesquels, soit dit en passant, on trouve de nombreux non techniciens – dont une forte proportion d’économistes). Qu’il y a sans doute aucun, à la base des différents projets de recherche, des logiques commerciales, financières. Mais que ce serait une prouesse bien plus grande – politique, celle-ci – de multiplier les conducteurs sans voiture ! Redevenus piétons (ou cyclistes), ceux-ci apprendraient à se servir, à nouveau, des merveilleuses aptitudes à la locomotion dont les a dotés la nature – et dont les a sevrés la voiture.