L’économie circulaire : une arme encore trop secrète dans la lutte contre le réchauffement climatique

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Améliorer le bâti, changer de mobilité, développer les énergies renouvelables… voilà les principaux compartiments ciblés par tout plan Climat qui se respecte. Et si diminuer la production de déchets et optimiser l’utilisation des ressources étaient une piste trop souvent négligée pour diminuer significativement nos émissions de gaz à effet de serre ?

L’économie circulaire a le vent en poupe. Nouveau must, le concept fait l’unanimité dans tous les cénacles et présente de nombreux avantages : préservation des ressources, lutte contre la pollution, création de valeur ajoutée, opportunités économiques… Intuitivement on comprend bien qu’une utilisation plus efficace des ressources est bénéfique pour l’environnement : moins d’extraction de matière première, moins de consommation d’eau, d’énergie (ex. le recyclage de l’aluminium épargne 95% d’énergie comparativement à sa fabrication à partir de matière vierge)… et donc moins d’émissions de CO2. Or la réduction des déchets ne figure pas souvent au rang des priorités dans les stratégies de lutte contre le réchauffement climatique.

Une partie du problème vient du fait que les inventaires d’émissions nationales considèrent l’aval de la filière, c’est-à-dire les émissions générées par le traitement des déchets (transport, traitement, incinération, enfouissement) qui ont lieu à l’intérieur de leurs frontières. Selon les statistiques, la gestion des déchets ne représenterait que 3% des émissions de GES de l’Union européenne. Or ces émissions sont sous-évaluées car les inventaires ignorent les importations et exportations de déchets, ainsi que de la production de déchets comptabilisée par d’autres secteurs économiques. Deuxième erreur, peu de plans Climat évaluent les émissions qui pourraient être évitées grâce à la prévention (non-génération de déchet), le réemploi et le recyclage. Aujourd’hui, plusieurs études s’y attèlent et les résultats sont pour le moins impressionnants.

L’étude sur « la contribution potentielle de la gestion des déchets à une économie bas carbone » réalisée par Eunomia pour Zero Waste explique que le reporting des inventaires d’émissions de GES se base sur un périmètre trop restreint qui ne rend pas compte des impacts climatiques que les politiques de gestion des déchets/ressources engendrent. Plus important, l’étude évalue que le changement de pratiques en matière de gestion des déchets peut engendrer des économies de CO2 significatives, provenant principalement de la prévention des déchets et du recyclage, en particulier du recyclage des matériaux « secs » (métaux, aluminium, textiles). Le mode de gestion des déchets organiques (biométhanisation et compostage) aurait moins d’impact mais la prévention du gaspillage alimentaire est par contre un très bon levier pour réduire les émissions de GES. Par ailleurs, si la valorisation énergétique des déchets (incinération) présente des avantages sur l’enfouissement, le bénéfice « CO2 » est assez réduit. D’ailleurs dans un mix énergétique de plus en plus décarboné, l’incinération sera d’autant moins attractive avec le temps.

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Image : Impacts climatiques des activités liées aux déchets excluant le CO2 biogénique (sur 100 ans) Source : Eunomia -La contribution potentielle de la gestion des déchets à une économie bas carbone

Plus récemment, une étude britannique du Centre for Industrial Energy, Materials and Products s’est penchée sur la contribution potentielle d’une meilleure utilisation des ressources dans l’atteinte des objectifs climatiques du Royaume-Uni. Cinq secteurs prioritaires ont été identifiés : la construction, la fabrication automobile, l’agro-alimentaire, les appareils électriques et électroniques et le textile. Sans rentrer dans le détail des potentiels d’économie de CO2 de chaque secteur, c’est au total près de 200 MtCO2 d’ici 2032 qui pourraient être épargnées grâce à une politique plus volontariste d’économie circulaire, ce qui permettrait de respecter les budgets carbone que le Royaume-Uni s’est assigné (ce qui est loin d’être garanti à ce stade). Au-delà des mesures sectorielles pour « produire mieux avec moins de ressources », il est important que les gouvernements se rendent compte qu’investir dans les politiques d’économie circulaire est également rentable pour booster leur stratégie climatique. Si aujourd’hui des recherches doivent encore être menées pour estimer les gains CO2 issus du renforcement de la prévention, du réemploi et du recyclage, les décideurs ne doivent pas attendre pour proposer un accompagnement et des partenariats ciblés avec certains secteurs pour développer des approches globales d’utilisation efficiente des ressources. En outre, les approches volontaires ne suffiront pas, d’où l’importance d’activer des leviers fiscaux, économiques et des réglementations contraignantes qui pousseront les entreprises dans la voie de l’économie circulaire.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire