Contrat d’Avenir

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Namur, le 25 Juin 2004

Lettre ouverte à Monsieur Elio di Rupo, Formateur du G.W.

Monsieur le Formateur,

La fédération des associations environnementales a pris connaissance avec étonnement de la déclaration commune que vous avez faite avec les partenaires sociaux wallons.
Vous rappelez le Contrat d’avenir de 1999 qui « cherchait à rassembler les forces vives wallonnes et l’ensemble des citoyens autour d’un projet fédérateur ». Nous avions accueilli favorablement ce texte en 1999 en notant ses accents relatifs au développement durable. Nous avions regretté son évolution vers un simple plan de relance économique lors de son actualisation.
Au début, nous avions même répondu à l’appel à partenariat relatif à la mise en ½uvre de ce contrat… mais nous avons été ignorés. Nous n’avions pas compris que cet appel ne concernait que les partenaires sociaux « classiques ».
Aujourd’hui, après notre rencontre, nous prenons connaissance des grandes lignes du contrat d’avenir « renouvelé » telles que définies avec les syndicats et les patrons et déplorons que la démarche verse dans l’économisme caricatural. L’optique uniquement axée sur la dynamique européenne des sommets de Lisbonne et de Barcelone est réductrice. « Devenir l’économie la plus compétitive du monde » ne doit pas et ne peut pas nous servir de choix de société. Cette optionne peut pas et ne doit pas être la seule référence pour choisir le mode de développement que nous voulons pour la Wallonie. Ne pas prendre pour référence le reste de la dynamique européenne telle que définie lors du sommet de Göteborg où fut adoptée une stratégie de développement durable est à nos yeux un terrible recul.
S’engager dans une simple course au rattrapage économique (comme l’indiquent les objectifs retenus), c’est mettre l’environnement et le social à l’encan. C’est s’engager à mener une politique ou, plus encore qu’au cours de la législature écoulée, les décideurs politiques wallons mettront genou à terre devant des investisseurs faisant peu de cas des normes sociales, de la qualité de l’environnement et du bien être des wallons et des wallonnes.
Vous faites le pari qu’une paix sociale aidera à relancer l’économie. Cela permettra peut-être à terme de conserver les acquis sociaux mais le coût d’un rattrapage économique à tout crin risque d’être désastreux pour l’environnement. Cela reviendrait à terme à saper les bases sur lesquelles reposent notre prospérité. Croyez vous vraiment que l’attractivité de la Wallonie ne doive pas aussi intégrer cette dimension ?
L’environnement n’a plus la moindre place dans votre projet, le développement durable non plus. Il s’agit d’un recul. Nous croyons au contraire que, plus que jamais, il faut s’engager résolument dans une démarche active pour un développement durable de la Wallonie. Nous croyons que seule cette approche permettra de garantir à long terme le bien être de ses habitants. De plus nous sommes convaincus que, déjà à court terme, cette approche permettra de cesser d’opposer les préoccupations légitimes des citoyens. Il faut arrêter de dresser les uns contre les autres ceux qui aspirent à un emploi et ceux qui aimeraient que leurs enfants ne se fassent pas réveiller la nuit par le bruit des avions et qui s’inquiètent de leurs problèmes d’attention à l’école. Tous o­nt raison et ce n’est pas en les opposant qu’on renforcera le lien social et qu’on fera barrage aux votes extrémistes.
Cette approche de développement durable que nous appelons de nos v½ux n’est par ailleurs pas incompatible avec votre volonté de rattrapage économique de la Wallonie mais elle implique de choisir quelles activités économiques nous voulons attirer et encourager ! Ce choix doit être construit sur un large débat de société qui inclut plus d’interlocuteurs que les partenaires sociaux classiques représentés au Conseil économique et social de la Région wallonne qui cosignent la déclaration.
Vous considérez que ces interlocuteurs permettent de rassembler l’ensemble des forces vives de la Région. Mais où sont les associations environnementales, où sont les nouveaux mouvements que vous avez accompagnés à Porto Alegre ? La société civile d’aujourd’hui a changé, elle n’est plus celle de l’après-guerre quand se mettaient en place les mécanismes de concertation sociale. Il faut acter ce changement et en tenir compte car les enjeux de développement durable ne peuvent se contenter d’impliquer la société civile par le filtre des partenaires sociaux classiques. Associer les autres acteurs aurait probablement permis d’arriver à une déclaration plus riche… et qui ferait moins penser à un mémorandum des entreprises au futur gouvernement wallon. Le législateur wallon a pourtant tenu compte de cette évolution de la société civile juste après le sommet de la terre en 1992 en créant le Conseil wallon de l’environnement pour un développement durable dans lequel, aux cotés des partenaires classiques, siègent aussi les associations environnementales, les associations des consommateurs et les scientifiques Ne plus en tenir compte aujourd’hui serait un anachronisme. Et pourtant, aujourd’hui, vous envisagez une réforme de la fonction consultative dans une déclaration commune avec les seuls syndicats et patrons… Depuis plusieurs années, IEW demande une réforme de la fonction consultative afin de l’adapter aux nouveaux enjeux de société. Nous avons d’ailleurs formulé des propositions en ce sens. Il va de soi qu’une telle réforme ne peut se faire au détriment de la dimension environnementale du développement durable.
Nous osons espérer, Monsieur le Formateur, que, sensible à nos arguments, vous élargirez et compléterez le processus que vous avez initié tant en terme du choix des objectifs que des acteurs impliqués. La fédération des associations environnementales est disposée à être un des partenaires d’une démarche permettant de mettre la Wallonie sur la voie d’un développement durable.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Formateur, l’expression de notre haute considération.

Denis Van Eeckhout, Secrétaire général
Gérard Jadoul, Président

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