Climat : Comment réaliser l’ambition de Paris ?

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L’accord obtenu à Paris à l’issue de la COP21 mentionne l’objectif ambitieux de limiter les températures à 1,5 °C de réchauffement. Le chemin pour y arriver reste cependant largement à tracer, avec la nécessité de renforcer rapidement les mesures et politiques prises au niveau national. La réduction du grand écart entre la trajectoire actuelle, de plus de 3 °C, et l’ambition affichée devra être le grand chantier des années qui viennent. Nous nous penchons dans cet article sur le calendrier et la méthode adoptés à Paris pour tenter de combler cet écart.

Un écart « significatif » et « vivement préoccupant »

En préambule de la décision adoptée à la COP21, les pays participants au processus reconnaissent « que les changements climatiques représentent une menace immédiate et potentiellement irréversible pour les sociétés humaines et la planète », soulignent « qu’il est urgent de faire face aux changements climatiques  » et reconnaissent « qu’il faudra fortement réduire les émissions mondiales ».

En outre, ils insistent « avec une vive préoccupation sur le fait qu’il est urgent de combler l’écart significatif entre l’effet global des engagements d’atténuation pris par les Parties [NDLR : pays participants à la COP + UE] en termes d’émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre jusqu’à 2020 et les profils d’évolution des émissions globales compatibles avec la perspective de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels 

Voir aussi la première réaction d’IEW à l’accord :  » L’ambition de l’accord de Paris : passer de la promesse à l’action « .

Un calendrier quinquennal récurrent

Pour avancer dans des mesures concrètes, plus en cohérence avec l’ambition affichée, un calendrier et une méthode ont été fixés dans le texte adopté à Paris. Tous les 5 ans, les pays doivent déterminer leurs contributions nationales pour lutter contre les changements climatiques. Ces contributions sont volontaires, mais peuvent être ancrées dans le droit au niveau national, et donc avoir dans ce cas une valeur légalement contraignante. En outre, les parties sont fortement encouragées à définir leur propre stratégie de développement bas carbone à long terme (article 4.19), en cohérence avec les objectifs globaux de température (définis à l’article 2). Voici maintenant les principales dates qui doivent permettre de concrétiser ce processus :

2018

Les contributions nationales doivent être définies en tenant compte d’un bilan mondial des efforts collectifs déployés en vue d’atteindre l’objectif de température fixé à Paris. Un premier bilan de ce type est prévu en 2018 via un dialogue de facilitation (décision II.20).

La même année, le GIEC doit présenter un rapport spécial sur les conséquence d’un réchauffement de 1,5 °C et sur les trajectoires de gaz à effet serre correspondantes (décision II.21).

2020

En 2020, sont attendues les contributions nationales pour la période 2025-2030 (ou leur mise à jour éventuelle pour celles qui sont déjà définies). Ensuite, tous les 5 ans seront présentées de nouvelles contributions nationales pour les périodes ultérieures, dans une perspective de renforcement de l’ambition (décision III.23-24 et article 4.3).

2023 et 2025

Un nouveau bilan mondial des efforts collectifs doit avoir lieu en 2023, pour évaluer la mise en œuvre de l’accord de Paris, et « éclairer » l’actualisation des mesures mises en place par les Parties (article 14), dont leurs contributions nationales (article 4.9). Ces dernières sont à nouveaux attendues en 2025.

Ce cycle est censé continuer par la suite : bilan mondial en 2028 pour actualisation des mesures en 2030, etc.

Une méthode basée sur des contributions volontaires rendues publiques

Les contributions nationales sont établies sur base volontaire. L’accord de Paris est en ce sens moins fort que l’accord de Kyoto, qui contenait de objectifs chiffrés légalement contraignants pour les pays signataires. D’une certaine manière, cet affaiblissement aura été le prix à payer pour obtenir un accord universel, étant donné qu’un certain nombre de pays refusent de manière catégorique l’approche contraignante de Kyoto.

Toute forme de contrainte n’est cependant pas exclue de l’accord, comme le montre cette analyse du journal Le Monde : L’accord obtenu à la COP21 est-il vraiment juridiquement contraignant ?

In fine, le plus important sera de voir les actions concrètes qui seront menées dans les différents pays. Car la contrainte légale assortie de sanctions, plus solide en apparence, n’a pas été en mesure de garantir la réalisation de tous les engagements, comme l’a montré l’exemple du Canada, sorti après quelques années du protocole de Kyoto.

A contrario, quand ont été lancées les contributions nationales volontaires (ni obligatoires, ni contraignantes) suite au Sommet de Lima fin 2014, rien ne permettait d’être sûr de l’ampleur de la participation des pays. Mais une dynamique s’est lancée, avec une forme d’émulation qui a abouti au fait que, un mois avant la COP21, 147 pays couvrant 85 % des émissions mondiales avaient défini une contribution volontaire. Encore pendant la COP21, de nouvelles annonces ont été faites, comme par le Vénézuela portant le total à 188 pays engagés.

Ces engagements, les premiers pour un certains nombre de pays, sont encore très insuffisants puisqu’ils correspondent à une trajectoire d’environ 3 °C de réchauffement. Ils n’en constituent pas moins un progrès réel par rapport aux trajectoires tendancielles qui mènent à plus de 4 °C. Grosso modo, ces engagements correspondent à la moitié de l’effort nécessaire d’ici à 2030 pour un scénario à 2 °C. Pour rester sous les 1,5 °C, ce qui serait nettement préférable, les efforts doivent être plus importants encore.

Voir notre article : Climat : quelle différence entre +1,5 °C ou +2 °C ?

Une dynamique à entretenir

Aujourd’hui, c’est donc la dynamique globale et le regard des pairs, plus que la contrainte juridique internationale, qui semblent importer pour progresser dans la lutte contre le changement climatique. Et le calendrier de rendez-vous réguliers défini à Paris – s’il est loin de garantir que les résultats seront à la hauteur – n’en constitue pas moins un puissant moyen d’entretenir la dynamique, tant sur les plans politique et médiatique, que sur le terrain de la mobilisation et de l’évolution des narrations sociétales.

Avec persévérance, la société civile devra continuer à jouer son rôle. A mettre la pression sur nos dirigeants, à convaincre de la nécessaire sortie des énergies fossiles et du développement des énergies renouvelables, à faire évoluer les discours vers un moins de productivisme et de consumérisme, mais plus de justice et d’équité.

Cent fois, sur le métier remettre l’ouvrage. Pour les militants aussi, Paris est un début et non une fin. Pour les militants aussi, Paris a défini un ambitieux calendrier de travail…