Chèque habitat en Wallonie : une occasion manquée pour l’environnement

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Le 20 juillet dernier, le parlement wallon a voté le nouveau décret « chèque habitat ». Ce système d’aide à l’achat d’un bien immobilier est, dans les faits, déjà d’application depuis le début de l’année. Sur base des montants qui sont prévus (850 millions/an), ce dispositif est de facto au coeur de la réforme du logement entreprise par le Gouvernement. Il était donc crucial qu’au-delà de son objectif social, ce système intègre une dimension environnementale en incitant les citoyens adopter des comportements plus vertueux. Force est malheureusement de constater que le décret passe à coté de cet objectif.

La Wallonie doit faire face à deux défis majeurs en terme d’habitat : son parc immobilier consomme trop d’énergie (chauffage, eau chaude et électricité) et est trop éparpillé dans un contexte de boom démographique attendu. La situation n’étant guère plus favorable en Flandres, la Belgique occupe ni plus ni moins que la quatrième place en terme d’énergie consommée par logement au niveau européen. La mise en place du chèque habitat représentait donc une belle opportunité d’améliorer cette situation. Mais le Ministre Furlan semble avoir, dans son décret, évacué l’environnement. En effet :

  1. Les chèques habitat ne sont pas octroyés pour des crédits contractés en vue de rénover ou d’améliorer la performance énergétique de son logement. C’est un sérieux recul par rapport au système qu’il est censé remplacer le bonus logement qui couvrait également les emprunts réalisés pour la rénovation d’un bien. Et c’est une aberration au regard de l’état de notre parc immobilier ! Le chèque habitat aurait pu être majoré en cas d’investissement dans l’amélioration énergétique du bâtiment au moment de l’achat, ou couvrir les emprunts consentis pour des travaux de rénovation. En ce sens, il aurait été complémentaire des prêts à taux zéro (Ecopack, renopack) proposés par le Gouvernement.
  2. Réformer le bonus logement offrait l’opportunité d’ébrécher certains des dogmes qui nous ont amené à l’impasse en terme de logement. Notamment le système est une fois de plus destiné uniquement aux propriétaires (et donc, étant donné que l’on travaille avec un budget limité, il pénalise les locataires) et renforce donc la rigidité du marché immobilier wallon. Comme le rappelle l’OCDE dans ses recommandations à la Belgique, « la mobilité résidentielle est médiocre, ce qui pourrait nuire à la flexibilité du marché du travail, aggrave la congestion routière et augmente les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux déplacements domicile-travail.»[[Etude économique de l’OCDE : Belgique ; 2O15 ; P.4]]. Ajoutons à cela que le manque de flexibilité pousse les wallons à rester dans leur logement quelle que soit la taille de leur ménage (en cas de divorce ou quand les enfants sont partis par exemple), ce qui explique notamment la surface de logement par habitant très importante dans notre région… et les émissions de GES qui y sont liées.
  3. Autre opportunité manquée : favoriser la concentration de l’habitat wallon dans les noyaux. Rappelons que pour plusieurs raisons, vivre en ville est fiscalement défavorisé. Par exemple, le revenu cadastral, et donc le précompte immobilier qui en découle, y sont plus élevés. « Limiter l’étalement urbain et promouvoir la densification des lieux de vie »[[Déclaration de Politique Régionale, p.70]] reste pourtant un objectif officiel du Gouvernement… Et une priorité absolue pour limiter nos déplacements, diminuer nos émissions de GES ou laisser de l’espace à la biodiversité… En attendant de revoir le mode de calcul du précompte immobilier (en le basant par exemple sur le loyer réel perçu), le Gouvernement aurait déjà pu majorer le montant des chèques habitat pour l’achat de bien situé en zone urbaine et/ou à densifier.

Faut-il encore le rappeler ? Rénover notre habitat est non seulement une nécessité environnementale, mais c’est aussi une des principales opportunités économiques pour notre Région. Les études qui démontrent l’impact d’une politique de rénovation ambitieuse sur l’emploi, la création de valeur et même les finances publiques sont nombreuses. Mais pour monter en puissance dans le rythme des rénovations, le gouvernement doit mettre en place des incitants qui orientent les comportements des investisseurs vers les investissements « économiseurs d’énergie ». Le chèque habitat aurait pu aller dans ce sens. C’est une nouvelle occasion manquée. Nos regards se tournent désormais vers la prochaine grande réforme proposée par ce Gouvernement, l’alliance emploi-environnement qui sera nous dit-on recentrée sur la rénovation. Il n’est jamais trop tard… Mais il est temps.