Xerxès, Y’a des petites fleurs, Zonca…

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Dans le domaine des transports – comme dans tant d’autres, d’ailleurs – l’Homme (avec un grand H) a pensé souvent pouvoir dominer la nature. Aveuglé par son génie inventif, il en oublie les solutions les plus simples, les plus humbles, les plus durables. Et il a tendance à se reposer sur les autres dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre des solutions risquant de porter atteinte à son confort immédiat. Ce sont là trois freins importants à la mise en place de politiques publiques et de comportements individuels de mobilité compatibles avec les limites de la planète. Nous les avions déjà pointés il y a 9 ans Illustration par les trois dernières lettres de l’ABCdaire de la défunte revue MoTEUR !, ancêtre de cette nIEWs.

X comme… Xerxès, roi de Perse de 486 à 465 av. J.C.

Devant la manifestation des forces de la nature (sécheresses, tempêtes, …), trois grands types d’attitudes sont possibles. Premièrement, l’humilité-lucidité. On reconnaît le phénomène comme naturel : il est juste possible de le subir, en s’adaptant au mieux. Deuxièmement, l’humilité-réactivité. On prie la nature, on lui fait des sacrifices pour tenter « d’apaiser son courroux ». Troisièmement, la manifestation de force. Fort de son statut de « roi de la création », on intime à la nature l’ordre de « rentrer dans le rang ». C’est l’attitude de Xerxès 1er. En 480 av. J.C., il attaque la Grèce. Pour franchir le détroit de l’Hellespont (le Bosphore), il fait construire un pont de bateaux, qu’une tempête détruit avant que son armée ait pu le franchir. Hérodote rapporte que Xerxès, indigné, « ordonne d’infliger à l’Hellespont 300 coups de fouet » et lui fait dire « Onde amère, notre maître te châtie parce que tu l’as offensé… Le roi Xerxès te franchira, que tu le veuilles ou non ». Deux précautions valant mieux qu’une, Xerxès fait également couper la tête aux ingénieurs qui avaient dirigé les travaux. Puis il fait édifier un nouveau pont, que cette fois les Perses franchissent sans encombre.
Cette troisième attitude semble également être celle de l’homme moderne. A ceci près : son dédain pour la nature est tel qu’il refuse d’admettre la tempête, il refuse de voir le pont brisé et, les yeux bandés, s’apprête à s’y engager.

Y comme… Y’ a des petites fleurs

Y’ a des petites fleurs – au bois de Clamart, de Vincennes, de Meudon et de Saint Cloud, chantait Georges Brassens. La liste n’est bien évidemment – et bien heureusement – pas exhaustive. Chacune, chacun peut citer un bois, un champ dans lequel de petites fleurs rappellent, en toute poésie, la fragile beauté de la nature. Souvent, l’image sera associée à celle d’un petit sentier, d’un petit chemin champêtre ou forestier dont l’agréable sinuosité oppose une saine résistance à la pensée dominante qui veut qu’entre deux points il faille tracer une ligne droite.
Ces cheminements fleuris entretiennent – exception faite des agressions ponctuelles perpétrées par quelques quads, 4 x 4 ou autres engins motorisés – une sorte de connivence avec les modes de déplacement doux. Il est intéressant de tenter d’identifier les relations de cause à effet existant entre l’utilisation par les différents types de véhicules et la présence ou l’absence de petites fleurs le long de la voirie empruntée.
Du côté des incidences négatives, s’il est établi que les dégâts occasionnés à une infrastructure routière (revêtement hydrocarboné) sont proportionnels à la quatrième puissance de la charge par essieu, l’incidence sur les petites fleurs est plus complexe et non directement quantifiable. Pollutions gazeuses et rejet liquide ont des effets directs évidents. Bruit, vibrations, éclairage peuvent également affecter les petites fleurs, via leurs effets sur la faune, et particulièrement les insectes vecteurs de reproduction. Tout ceci pour les modes motorisés. Dans le cas des modes doux, l’écrasement des spécimens qui ont essaimé sur le sentier semble être le seul dommage direct.
Les incidences positives relèvent, elles, exclusivement des modes doux. A tout seigneur tout honneur : le crottin de cheval apporte bien à propos la petite dose de vitamine nécessaire aux natures fragiles. Eloges des piétons admiratifs (ne dit-on pas qu’il faut parler aux plantes ?), effet de caresse du souffle soulevé par le passage des vélos (par opposition à la tornade associée au passage d’un bolide motorisé)… l’honnêteté nous force à reconnaître que les autres incidences positives potentielles ne peuvent être citées qu’avec beaucoup de réserve. Quoiqu’il en soit, connivence il y a entre modes doux, sentiers et petites fleurs. Sans compter les copains qui, en cheminant doucement à nos côtés (et pour paraphraser Brassens), fleurissent le bois de nos cœurs.

Z comme… Zonka

« Yaka mieux isoler sa maison ou porter un pull en plus ! »
« Yaka laisser sa voiture au garage et marcher ou prendre le bus ! »
« Yaka arrêter de construire des villas quatre façades et densifier les centres urbains !
»
Les environnementalistes sont-ils d’indécrottables donneurs de leçons ?
Peut-être. Mais…
« Yaka diminuer les charges sur le travail, et on verra augmenter l’emploi ! »
« Yaka rouler en voiture électrique, et la mobilité deviendra durable ! »

D’autres présentent les mêmes symptômes : ton péremptoire, simplification du message, et tendance à glisser du Yaka au Zonka, exemptant de ce fait l’émetteur du message de toute mise en pratique de celui-ci.
Le Yaka peut n’être perçu que comme un outil de communication – parfois agaçant – d’utilisation courante. Mais il peut se révéler dangereux quand, émanant de source « autorisée », il diffuse un message-mirage qui va empoisonner l’inconscient collectif. D’autant qu’il permet alors à certains politiques de se contenter de surfer sur une idée en vogue. Jusqu’à ce qu’elle se brise sur l’écueil de la dure réalité des choses…
Dès que vous repérez un Yaka, usez donc de votre esprit critique. Ce bon conseil étant, pour notre part, nous assumerons nos convictions : Yaka mettre un pull en plus, laisser sa voiture au garage ou densifier les centres urbains… Et si certains trouvent cela naïf, Zonka trouver mieux !