Qu’est ce qui, du dossier Zaventem ou de l’élection de Trump, est le plus désespérant ?

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La mise en œuvre, par le président américain fraîchement élu, de son programme de cauchemar désespère à juste titre une bonne partie de la population mondiale. Pour celles et ceux qui en doutaient encore, Monsieur Trump et son équipe font en temps réel la démonstration éclatante que le pire peut arriver. Pendant ce temps, dans la vieille Europe, au coeur de la petite Belgique, l’aéroport de Zaventem revient sur le devant des scènes politique et médiatique. Mais le réel problème de fond du transport aérien (son insoutenable empreinte environnementale) reste désespérément absent des débats. Entre les deux désespoirs, le cœur balance…

Nomination d’un climato-négationniste à la tête de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), décret interdisant l’entrée aux USA de ressortissant de certains pays dûment dénigrés, feu vert donné à l’oléoduc Dakota Access au mépris des communautés Sioux impactées, augmentation des dépenses militaires, … L’Amérique de D. Trump semble s’acharner à devenir, sur un marché très concurrentiel, livreuse attitrée de la planète en mauvaises nouvelles journalières. Au risque, soit dit en passant, de rejeter encore plus dans les zones d’ombre – où les confinent à la fois notre commune cécité volontaire et un traitement médiatique sélectif – les catastrophes naturelles, les conflits armés et attentats hors Europe, les désastres sanitaires et leurs centaines de milliers de victimes. Tout ceci a de quoi largement désespérer tout qui possède un peu de sensibilité, de respect, de souci de l’autre. Soit la majorité (trop) silencieuse de la population mondiale.

L’absence de réelle considération pour les enjeux environnementaux est tout aussi anxiogène. De manière moins rapide, moins frappante que les agissements du président américain, la cruelle insuffisance des réponses sociétales aux défis (pour n’en citer que deux) des dérèglements climatiques et de l’écroulement de la biodiversité se révélera néanmoins tout aussi « efficace » sur le moyen terme. Si du moins on mesure l’efficacité à l’aune du nombre de victimes.

Les discussions relatives à l’aéroport de Zaventem illustrent à merveille ce refus devant l’obstacle, cette incapacité à imaginer et mettre en œuvre autre chose que le prolongement des tendances (ou le BAU pour business as usual). Centrées sur les nuisances sonores générées par l’aéroport, les empoignades autour de Zaventem sont exemplatives d’une tension récurrente dans ce genre de dossiers, tension entre le désir de protéger un groupe de personnes (des centaines de milliers en l’occurrence) impactées par une activité économique d’une part et la volonté de limiter les réglementations à visée sociale ou environnementale (des normes de bruit dans ce cas) auxquelles doivent se conformer les opérateurs économiques d’autre part.

Pour la petite histoire, il est intéressant de relever que les tenants de la seconde approche considèrent généralement que des préoccupations purement égoïstes animent les riverains tandis que les acteurs économiques, en participant à la prospérité de la société, œuvreraient pour le bien commun. On pourrait tout aussi bien (et plus justement dans bien des cas) affirmer que la recherche du profit (logique égoïste) guide les acteurs économiques tandis que le souci du bien-être de la population (logique altruiste) anime les riverains. Cette deuxième lecture est d’autant plus vraie que l’on élargit les perspectives. Elargissement qui fait cruellement défaut dans le dossier Zaventem : les effets globaux induits par les activités aéroportuaires ne sont jamais mentionnés, ou peu s’en faut.

Or, le maintien du volume actuel de transport aérien n’est tout simplement pas compatible avec les objectifs de protection du climat adoptés à Paris[Rappelons que, pour rester sous les 2°C de réchauffement global, les émissions nettes de CO2 devraient tomber à zéro entre 2060 et 2075 – voir par exemple Sir Robert Watson et al. 2016. The truth about climate change. FEU-US – [http://feu-us.org/the-report/]]. Soit on maintient ce volume (voire on l’augmente, ce qui est la volonté clairement exprimée par de nombreux acteurs politiques et économiques) – et l’on accepte dès lors la dégradation irréversible de l’habitabilité de la planète. Soit on considère que la lutte contre les dérèglements climatiques constitue une priorité, et l’on met alors en place des politiques de sortie du transport aérien de masse.

L’humanité a implicitement choisi la première solution. Ce que presque personne ne veut reconnaître. La population semble, dans sa grande majorité, fort bien s’accommoder de cette schizophrénie et du déni de la plupart des décideurs politiques qui renoncent à affronter « l’obstacle environnemental » en dépit de leurs déclarations d’intentions. Poussés dans leurs retranchements, ces derniers invoqueront souvent la nécessité d’une action coordonnée à un niveau supérieur et pointeront l’inutilité de prendre des mesures régionales ou locales et de renoncer ainsi à un développement économique dont d’autres ne se priveront pas. Message surprenant de la part de personnes qui souvent renvoient (à raison) les citoyens à leurs comportements individuels. Message inacceptable en ce sens qu’il conditionne l’accomplissement d’une action socialement bénéfique (et même indispensable) au fait que d’autres l’entreprennent d’abord, ce qui est contraire à l’éthique.

Vu sous cet angle, le dossier Zaventem, dans le cadre duquel la soutenabilité du transport aérien n’est jamais abordée, est emblématique d’un double refus. Le refus de répondre comme il conviendrait aux problèmes environnementaux et le refus de le reconnaître. Ce qui, tout bien pesé, est peut-être plus désespérant encore que les agissements de Monsieur Trump.