Publicité voitures et CO2 : le scandale continue…

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Les initiatives visant à la modification de la réglementation sur l’affichage de la consommation et des émissions de CO2 des voitures neuves ainsi qu’à l’interdiction de la publicité pour les véhicules les plus polluants ont du mal à passer la barre parlementaire. Pendant ce temps, l’industrie automobile s’affiche en toute illégalité et en toute impunité…

Ce mercredi 10 mars 2010, la Commission de la Santé publique, de l’Environnement et du Renouveau de la société de la Chambre se (re(re(re)))penchait sur deux propositions de loi (Doc 1909/001 et Doc 1910/001) déposées début 2009 par M. Jean Cornil. L’une vise à modifier l’arrêté royal relatif à la disponibilité d’informations sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 lors de la commercialisation des voitures particulières neuves, l’autre a pour but d’interdire la publicité pour les voitures les plus polluantes.

A l’issue des travaux de ce mercredi, la Commission a décidé de se re-re-re-repencher sur la première proposition de loi après Pâques, quand on saura si, oui ou non, les Ministres concernés ont réussi à – enfin – concrétiser un accord sur une révision de l’arrêté royal. Le deuxième projet de loi (interdiction de la publicité pour les voitures les plus polluantes) semble, quant à lui, trop délicat à aborder pour le moment…

Afin d’aider les parlementaires à prendre leurs décisions en toute connaissance de cause, le Docteur Pierre Ozer, de l’Université de Liège (le lanceur d’alerte à l’origine de l’action « Affichez le CO2 ») avait préparé un document démontrant de manière on ne peut plus claire l’absolue nécessité de remettre un peu d’ordre dans un secteur qui bafoue la loi sans vergogne. Le document, consultable ici, nous apprend que :

 le jury d’éthique publicitaire (JEP), organe d’auto-contrôle du secteur, reconnaît que 100% des 203 plaintes déposées en janvier 2010 par Monsieur Ozer ne respectent pas la loi belge ;

 il faut un minimum de 7 semaines pour que le JEP remette un avis sur une publicité à caractère national (constructeurs ou importateurs), soit plus que la durée d’utilisation moyenne de ces publicités ; l’annonceur peut dès lors confirmer que « la campagne est terminée et ne sera plus utilisée » ;

 l’analyse de quelques hebdomadaires montre que plus de 90% des publicités nationales ne respectent pas le « Code Febiac » par lequel le secteur automobile définit (de manière pourtant restrictive) comment appliquer la loi ;

 la Direction générale Contrôle et Médiation (DGCM) du Service public fédéral Economie a marqué clairement sa volonté de ne pas traiter les plaintes déposées par Monsieur Ozer alors même que la loi précise qu’il est de son devoir de rechercher, poursuivre et punir les infractions.

Rappelons que la communauté scientifique appelle les gouvernements des pays développés à réduire de 40% les émissions de CO2 d’ici 2020 (dans dix ans !) pour éviter toute perturbation climatique majeure, mettant en jeu des centaines de millions de vies humaines à l’échelle planétaire. Les signaux d’alarmes émis par les scientifiques ont trop longtemps été négligés. De ce fait, le défi majeur des changements climatiques appelle aujourd’hui des solutions radicales. Et le secteur des transports, plus encore que le chauffage des bâtiments (résidentiel et tertiaire), connait une évolution préoccupante, mettant à mal les efforts de réduction consentis par les autres secteurs. Tant en Belgique qu’en Europe, les émissions de CO2 du transport ne cessent de croître et les concrétisations d’une volonté de les maîtriser sont hélas bien trop rares. Il est urgentissime de remédier à cette situation.

Il appartient aux citoyens de poser des choix individuels responsables. De même, il appartient au législateur de créer un cadre légal performant pour guider le citoyen dans ses choix. Les deux propositions de loi déposées par M. Jean Cornil s’inscrivent clairement dans une telle démarche. L’inertie d’une communauté internationale ayant du mal à accorder ses violons (comme vient de l’illustrer Copenhague) ne peut servir d’alibi à un refus d’adopter ces projets. L’encadrement de la publicité est une compétence fédérale.
Les deux seules « raisons » de maintenir la vente de véhicules gros émetteurs de CO2 (qui sont majoritairement des véhicules mi à haut de gamme) sont d’ordre sociétal (existence d’une demande) et économique (maintient de l’offre) :

 ces véhicules sont encore largement perçus comme des indicateurs de « réussite sociale » et sont, de ce fait, l’objet d’une demande spécifique ;

 l’industrie automobile réalise les marges bénéficiaires les plus confortables sur les véhicules mi à haut de gamme ; les secteurs concernés (industrie automobile, publicité, annonceurs) identifient dès lors de nombreuses « bonnes » raisons de s’opposer aux deux projets de lois – ou de tenter de les vider de leur substance. Le secteur du tabac, en son temps, a fait de même…

Les deux propositions de loi déposées par M. Jean Cornil constituent de premières avancées – tout aussi indispensables qu’urgentes – vers une politique de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Ceci ne constituera toutefois qu’un premier pas dans la bonne direction. A moyen terme, il est nécessaire de modifier en profondeur notre système de mobilité afin de le rendre réellement durable – et le maintien de la publicité pour les transports les plus polluants (routier et aérien) ne peut se concevoir dans un tel contexte. Il semble malheureusement que, pour nos élus, ce premier pas est déjà très difficile à franchir.