Négociations climatiques : les points de vue des groupes constitués

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L’analyse médiatique des négociations climatiques se focalise souvent sur les positions des pays qui négocient. Mais dans bien des cas, les positions nationales sont influencées par des groupes d’intérêts. Les autorités publiques belges, notamment, ont l’habitude de consulter une série d’acteurs représentant des intérêts divers en matière de politique climatique : syndicats, fédérations d’entreprises, ONG environnementales et de solidarité internationale, etc. Le poids politique de ces acteurs varie fortement. Et leurs positions actuelles font apparaître certaines lignes de fracture.

Les convergences

Depuis plusieurs années, le CNCD-11.11.11 anime la Plateforme Justice Climatique qui vise à rapprocher les acteurs qui le souhaitent autour d’une vision partagée. Ce travail a mené à des recommandations politiques communes de la part de nombreux acteurs de la société civile[[La Plateforme Justice Climatique est une plateforme politique fédérale belge coordonnée par le CNCD-11.11.11 et son homologue flamand 11.11.11 et formée de ADG, Association21, Bond Beter Leefmilieu (BBL), Broederlijke Delen, CADTM, CSC-ACV, CGSLB-ACLVB, Entraide et Fraternité, FGTB-ABVV, FSTM, Greenpeace, Inter-environnement Wallonie (IEW), Climate express, Médecine Pour le Tiers Monde, Oxfam-Solidarité, Oxfam Magasins du monde, Oxfam-Wereldwinkels, PROTOS, SLCD, SOS FAIM, Vredeseilanden et le WWF.]] . Syndicats, ONG environnementales et de solidarité internationale sont ainsi essentiellement sur la même longueur d’onde en matière de politique climatique, même si chacun garde certaines spécificités. Ces acteurs plaident en commun pour :

  1. la mise en place d’un accord mondial pour le climat, équitable et contraignant
  2. des objectifs de réduction d’émissions ambitieux et une transition juste
  3. des financements « climat » qui respectent les engagements pris

On notera la position assez courageuse des syndicats, conscients du fait que des milliers d’emplois en Belgique sont menacés dans certains secteurs incompatibles avec la préservation du climat (énergies fossiles notamment), mais qui souhaitent néanmoins que soit lancé un processus de transition juste, pour créer de nouveaux emplois dans des secteurs qui aident à la préservation du climat (énergies renouvelables notamment). Plutôt que de s’arc-bouter sur une défense corporatiste d’emplois du passé, les syndicats demandent une politique de reconversion de notre économie, pour la rendre plus équitable et compatible avec la préservation du climat. « No jobs on a dead Planet »[[« Pas d’emplois sur une planète morte »]], résument les syndicats. On peut se douter que cette position officielle nécessite d’importants efforts de pédagogie au niveau du terrain, en particulier envers les travailleurs des secteurs les plus polluants.

Soulignons que tous les acteurs, y compris le patronat, souhaitent un accord global contraignant. Mais derrière cette unanimité de principe, des différences réelles existent quant à la manière de fixer l’ambition de cet accord et sur les moyens à mettre en œuvre.

Les divergences

Des divergences sensibles existent par contre entre les acteurs de la Plateforme Justice Climatique et les acteurs industriels. Dans les négociations climatiques, le patronat (FEB) voit avant tout des négociations économiques. Il n’entend pas que soit mis en cause certains secteurs, ni la compétitivité de nos entreprises. En conséquence, le patronat plaide pour que tout effort belge ou européen en matière climatique soit conditionné à des efforts similaires de la part des autres pays. Les mesures climatiques que le patronat belge met en avant sont des mesures de marché (notamment l’idée d’un marché carbone global), dans l’optique de l’établissement d’un « level playing field » http://fr.wikipedia.org/wiki/Level_playing_field et avec une protection forte de la propriété intellectuelle.

Le patronat souhaite aussi que les objectifs promus par la Belgique dans les négociations climatiques soient fixés dans une approche bottom-up, à partir des efforts auxquels les Régions s’affirment prêtes à consentir.

Ce dernier point est radicalement différent de l’approche promue par les ONG environnementales, notamment, pour qui les objectifs doivent découler de ce qui est scientifiquement reconnu comme nécessaire pour éviter un basculement catastrophique du climat. Les ONG estiment par ailleurs que l’Europe devrait continuer à jouer un rôle de leader en matière climatique, et soulignent que cette stratégie a de fortes chances de s’avérer meilleure aussi d’un point de vue économique.

La Plateforme Justice Climatique ne base pas toute action sur des mécanismes de marché ; elle estime que les secteurs durables (énergies renouvelables, économies d’énergie) doivent être vus comme stratégiques et prioritaires pour l’investissement.

Si tous les acteurs estiment idéal que les politiques climatiques soient définies clairement et de manière la plus prévisible possible, seul le patronat utilise cet argument pour refuser une augmentation de l’ambition a posteriori. Les autres acteurs, estiment que si les engagements pris par la communauté internationale à un moment donné ne sont pas suffisants pour contrer la menace climatique, il est au contraire nécessaire de permettre et de prévoir une révision à la hausse de l’ambition.

Finalement, pour le patronat, c’est la technologie qui permettra de résoudre les contradictions actuelles entre économie et environnement. Pour la plupart des autres acteurs, même si la technologie peut aider, c’est aussi la structure et l’organisation actuelle de notre économie qui doivent être repensées.