NAM’IN MOVE : une démarche exemplaire à plus d’un égard

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Si vous êtes namurois, vous avez très probablement déjà entendu parler de NAM’IN MOVE. Peut-être, malheureusement, à travers le seul prisme médiatique des modifications de la ligne 11 et des plaintes qui en ont découlé. A l’heure du lancement d’un processus de participation autour de ce projet, c’est l’occasion de vous en présenter plus largement la genèse, la méthodologie et la finalité.

A l’origine, un constat

« Namur en mouvement », traduction littérale du nom de ce projet initié et porté depuis plusieurs années par le TEC Namur-Luxembourg . A l’origine, un constat, que nous partageons et qui peut facilement s’étendre à l’ensemble du réseau TEC en Wallonie : les services de bus proposés ne sont pas suffisamment attractifs pour attirer de nouveaux voyageurs, en l’occurrence des automobilistes ; et ils ne répondent pas pour autant de manière optimale aux besoins des clients actuels. Avec, à Namur, une problématique spécifique aux réseaux urbains : une perte de la vitesse commerciale des lignes de bus. Ce diagnostic qui semble sévère reflète cependant une certaine réalité. Au regard des trois piliers du développement durable, le réseau de transport en commun wallon mériterait d’être amélioré. Quelques indicateurs, moyennes calculées à l’échelle wallonne, permettent d’illustrer ce propos :

 Pilier social : 19 % de la population wallonne ont accès à un bon niveau de services de transport public (TEC), c’est-à-dire se situent à proximité d’un arrêt (600 m) qui propose une fréquence de desserte d’au moins 2 bus par heure[[Selon une analyse réalisée par la SRWT (2011) : 19 % de la population se situe à proximité d’un arrêt de bus (600m) qui propose une offre de minimum 36 allers-retours par jour]]. Autrement dit, 81% des wallons ne disposent pas d’une offre de bus suffisante pour envisager leurs déplacements quotidiens en bus.

 Pilier économique : les recettes issues de la vente des titres de transport couvrent 27,74%[[Taux de couverture calculé pour le groupe TEC par la SRWT (2012)]] des coûts de la mise en œuvre du service. Tout développement de l’offre de transport engendre des subsides publics supplémentaires importants.

 Pilier environnemental : le taux d’occupation moyen des bus TEC est de 14 personnes[[Estimation d’IEW en utilisant le total du nombre de voyageurs transportés (tous services TEC compris y compris le transport scolaire), la distance moyenne parcourue par voyageur et le nombre total de kilomètres parcourus (sur base des chiffres 2012)]] à bord alors que la capacité d’un bus standard oscille entre 75 et 90 personnes. Sur la seule base des émissions moyennes de CO2 par mode par personne, actuellement, un transport par bus est plus polluant que par voiture individuelle quand il s’agit de déplacer moins de 10 personnes[[Estimation d’IEW sur base des émissions moyennes par voyageur-kilomètre pour la voiture et pour le bus]].

Il y a donc un enjeu social, économique et environnemental à ce que les bus du TEC soient plus et mieux utilisés. Le pari lancé par le TEC Namur-Luxembourg est de réorganiser son réseau de sorte que les moyens disponibles soient plus efficaces.

La volonté de construire une vision

Tout changement fait peur et est difficile à mener. L’important est de savoir où on va et quels sont les objectifs que l’on poursuit. Il faut pouvoir garder le cap sans exclure des bonifications du projet en cours. NAM’IN MOVE est d’abord une vision de la mobilité pour Namur avec un focus sur l’offre de transport public. Quels sont et doivent être les axes structurants de déplacements à Namur ? Sur quelles liaisons les bus sont-ils saturés ? Sur quelles liaisons sont-ils manquants ? A quels endroits les bus sont-ils englués dans la circulation ? Sur quels segments peut-on capter des automobilistes ? Quels sont les projets de développement territorial et urbain à Namur ? Quel impact auront-ils sur la mobilité de demain ? Etc. Tant de questions auxquelles le TEC Namur-Luxembourg a dû se confronter pour élaborer sa vision de l’offre de transport public souhaitée à moyen terme. Ce travail de réflexion stratégique ne s’est pas déroulé à bureau fermé. Le TEC a sollicité l’implication d’autres acteurs : la Ville de Namur, la Région Wallonne et la SRWT principalement. C’est donc une vision concertée qui a abouti.

La méthodologie suivie pour définir les services à mettre en place sur le territoire namurois avait déjà été utilisée dans le cadre de la réorganisation des services TEC au sein du bassin de la Hesbaye. Le principe est d’identifier les liaisons structurantes à favoriser : services de bus rapides qui desservent un nombre restreint d’arrêts à potentiel important. Ensuite, il faut envisager le rabattement vers les arrêts de ces lignes structurantes et une desserte plus fine des localités et quartiers, en distinguant les itinéraires pertinents à toute heure de la journée de ceux qui ont surtout du sens aux heures de pointe pour répondre aux besoins de déplacements domicile-travail et domicile-école. Cette réorganisation a porté ses fruits au niveau de la Hesbaye avec une augmentation des voyageurs transportés de l’ordre de 4,5% sur les 10 communes concernées (pour 1% ailleurs).

Une mise en œuvre progressive

Si dans le cadre de l’élaboration d’une vision à moyen et long terme, il est pertinent de faire « tabula rasa » pour imaginer un réseau optimal, lors de la mise en œuvre de cette vision, il est impératif d’avancer de manière progressive en partant du réseau existant. Au-delà de la vision, il est donc indispensable de définir une stratégie de migration. Les changements doivent s’envisager par phase, sous forme de paquets cohérents.

Pour le projet NAM’IN MOVE, le calendrier de mise en œuvre doit aussi être mise en phase avec l’installation de 11 stations de rechargement pour les 46 bus hybrides électriques que comptera le réseau urbain d’ici deux ans[[11 premiers véhicules de ce type circulent depuis peu à Namur. Il est estimé qu’ils pourront atteindre une réduction de 70 % de leur consommation et circuler en mode électrique dans le centre-ville et dans les quartiers résidentiels. Leur surcoût à l’achat, ainsi que le coût d’installation des stations de rechargement, devraient être compensés par la diminution de consommation sur les 16 années de vie des véhicules]]. Ainsi, le TEC Namur-Luxembourg a commencé par entamer les changements identifiés comme nécessaires au niveau d’une zone qui va de Belgrade à Jambes. La première adaptation concrète a concerné les lignes 11 et 11B, dont les itinéraires ont été revus et les noms modifiés. C’était mi-2016.

Un changement d’habitudes difficile

Cette modification, minime à l’échelle de l’ensemble du réseau namurois mais déterminante pour les utilisateurs habituels des lignes 11 et 11B, a suscité beaucoup d’émoi. Les habitudes de déplacements, comme toute autre habitude quotidienne (alimentaire, vestimentaire,…) sont fortement ancrées et difficiles à modifier à l’échelle individuelle. Des possibilités offertes pour nos trajets quotidiens découlent bien souvent toute une organisation familiale. Il faut pouvoir anticiper les changements, trouver des solutions adaptées à nos contraintes individuelles et accepter temporairement l’inconfort du changement. Une campagne de communication vers les utilisateurs actuels et potentiels est un outil important pour aider à la réussite d’un tel projet. L’idéal étant d’aller au-delà de la communication pour mettre en place un réel processus de concertation en amont ; c’est-à-dire interroger les citoyens et utilisateurs sur leurs attentes et intégrer leurs réflexions pour améliorer le projet.

L’utilité d’une participation des citoyens

C’est une telle démarche, inédite à l’échelle du Groupe TEC et tant attendue, qui a été initiée par le TEC Namur-Luxembourg il y a une quinzaine de jours. Encadré par l’équipe interdisciplinaire d’Espace-Environnement[[Espace-Environnement est membre de notre fédération (www.espace-environnement.be)]], ce processus de participation citoyenne se décline sous différentes formes : des séances d’information dans les quartiers concernés[[Deux soirées ont déjà eu lieu, il reste deux séances planifiées en journée : lundi 06/02 de 10h à 13h place du Bia Bouquet à Belgrade et jeudi 09/02 de 10h à 13h également Place de Wallonie à Jambes.]] en plus du site internet dédié (www.naminmove.be), une exposition permanente au pavillon de l’aménagement urbain[[L’exposition prend place à la Maison des citoyens dans l’Hôtel de Ville, rue de Fer à Namur et est ouverte du lundi au vendredi de 8h30 à 16h et le samedi de 8h30 à 11h30]] , un questionnaire en ligne (ici : http://www.naminmove.be/actualites/evolution-des-lignes-de-bus-jambeserpent-et-belgrade) pour récolter l’avis du plus grand nombre (ouvert jusqu’au 12/02) et l’organisation de 3 ateliers participatifs consécutifs (candidatures clôturées depuis le 22/01). Nous espérons que ces ateliers pourront accueillir un maximum de citoyens qui souhaitent s’impliquer de manière constructive dans ce processus.

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Crédit photographique : « TEC – janvier 2017 »

L’objectif est donc de récolter l’avis des participants en leur soumettant 3 scénarios possibles pour chacun des quartiers. Plusieurs cartes sont proposées qui illustrent la situation existante, des éléments clés du territoire, la praticabilité des voiries pour les bus et les 3 scénarios soumis à discussion. Une carte illustre également les éléments qui sont encore discutables (desserte plus fine des quartiers) et ceux qui ne peuvent pas être remis en question (axes structurants). Aux termes des 3 ateliers, le souhait est d’identifier un 4e scénario optimal, reprenant les meilleures propositions initiales, voire en intégrant de nouvelles. Les mesures complémentaires (cheminements, équipements aux arrêts, …) ainsi que les mesures d’accompagnement au changement seront également discutées en atelier.

Nous espérons vivement que ce processus permettra d’aboutir à des solutions concertées qui pourront répondre à la majorité des attentes.

Une démarche à poursuivre et à étendre

NAM’IN MOVE est de notre point de vue une démarche exemplaire à plusieurs égards, par le diagnostic qui est posé en préalable, par le travail de vision qui a été élaboré pour guider les modifications du réseau, par les objectifs qui sont poursuivis et par le processus participatif mis en œuvre.

Vu les enjeux actuels en matière de mobilité et l’urgence à réduire les polluants globaux (changement climatique) et locaux (pollution de l’air), une telle démarche devrait être mise en œuvre par chacun des TEC afin de couvrir le territoire wallon dans son entièreté. Il est en effet impératif d’augmenter l’attractivité du réseau TEC pour gagner des parts modales sur la voiture particulière. Améliorer la lisibilité de l’offre et augmenter la vitesse commerciale sont des objectifs clés pour atteindre cette finalité.

Crédit photographique : logo de l’opération, « TEC – janvier 2017 »

Juliette Walckiers

Anciennement: Mobilité