Les plans fous de l’industrie automobile pour lutter contre les émissions de C02 : 520 milliards pour re-surfacer les routes européennes !

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Les plans des constructeurs automobiles pour réduire les émissions de CO2 du transport (un rapport de l’ACEA[Association des constructeurs européens d’automobiles, http://www.acea.be]] dont [The Guardian a pu avoir connaissance) sont simples : faire endosser la responsabilité à d’autres secteurs.

Le rapport de l’ACEA surestime grossièrement les réductions d’émissions de CO2 réalisées depuis 2005 (dont la moitié seulement sont atteintes sur route, le solde n’étant vérifié qu’en laboratoire[[Voir le rapport « Mind the gap » présenté ici : http://www.iew.be/spip.php?article7409]]). Dans la même logique, il surestime le potentiel de réduction des émissions de différentes politiques, évitant soigneusement celles qui pourraient influer sur son « business model » actuel. L’ACEA exagère donc grossièrement les impacts positifs de l’éco-driving, des systèmes de transport intelligents, des agrocarburants et du gaz naturel. Last but not least, l’ACEA recommande de remplacer les revêtements de toutes les routes européennes par des revêtements à faible coefficient de frottement. Coût de l’opération : 520 milliards d’euros environ. Vu le potentiel de réduction de 5% des émissions que l’ACEA prête à l’opération, cela représente un coût d’environ 1000 euros la tonne de CO2 évitée. Pour rappel, sur le marché ETS, la tonne de CO2 s’échange actuellement à 5 euros…

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Bulle : « Nous, les constructeurs, avons fait tout ce que nous pouvions faire – tout repose maintenant sur les revêtements routiers »
Panneau : « Nouveau revêtement routier. Recommandé par les constructeurs d’automobiles européens. Payé par les contribuables. »

Pour l’exprimer cavalièrement, l’ACEA est « à côté de ses pompes » (ou plus exactement à côté de ses pneus). L’industrie recommande aux gouvernements de dépenser plus de 500 milliards d’euros pour re-surfacer toutes les routes européennes et propose, quant à elle, de… ne rien faire, si ce n’est continuer à fabriquer et vendre des voitures inutilement lourdes, puissantes, rapides et… polluantes. Pour la petite histoire, notons que l’industrie se vante d’avoir utilisé des méthodes innovantes pour diminuer le poids des véhicules (ce qui, de fait, constitue la manière la plus évidente de diminuer la consommation d’énergie des véhicules). Dans les faits, la « masse en ordre de marche » des véhicules neufs vendus en Europe était de 1268 kg en 2001 et 1391 kg en 2013[[ICCT, European vehicle market statistics – Pocketbook 2014]], soit une augmentation de 9,7%.

Une étude menée par des experts indépendants (suivant une méthodologie claire, utilisant un modèle de transport reconnu et incluant des hypothèses rigoureuses et transparentes) publiée ce 16 février 2016[[Ricardo Energy & Environment, 2016. SULTAN modelling to explore the wider potential impacts of transport GHG reduction policies in 2030 – Un tableau synthétique est présenté ici: http://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/2016_02_TE_Briefing_Europe_car_industry_plan_FINAL.pdf]] donne une image toute autre des solutions préconisées par l’ACEA. Ainsi, les « systèmes de transport intelligents » permettent de diminuer les émissions de CO2 de 1% à l’horizon 2030, quand l’ACEA prétend que le gain serait de 5 à 15%. La généralisation de la formation à l’éco-driving permettrait de baisser les émissions de moins de 2% alors que l’ACEA estime le gain à 10%… A contrario, cette étude indépendante démontre que les politiques définies au niveau européen – en particulier les normes d’efficacité énergétique et les objectifs d’émissions de CO2 – joueront un rôle considérable pour réduire les émissions de CO2 du secteur des transports.

Nous osons penser que les pouvoirs publics prêteront une oreille plus attentive aux recommandations neutres des experts ayant participé à l’étude Ricardo qu’aux revendications fantaisistes du rapport de l’ACEA, compilation des aspirations de différents intérêts financiers (filière agrocarburants, électronique embarquée, travaux publics, …) visant à exonérer les constructeurs d’automobile de toute remise en question de leur fonctionnement actuel.