Le complexe de Frankenstein ou l’économie en 1 leçon

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Avertissement aux lecteurs sensibles: si une forme d’expression familière voire grossière vous rebute, passez directement au paragraphe suivant car je vais vidanger ici les cuves de mon ras-le-bol et le risque de pollution langagière est estimé à 10 sur l’échelle Nadine de Rotschild qui en compte 9. Donc: la soumission placide et résignée à “l’économie”, ça commence sérieusement à me gonfler, me taper sur le système, me courir sur le haricot, me casser les burnes; j’en ai ras la cafetière et plein le cul. It pisses me off; du gehst mir auf die Eier; me hincha las bolas; mi rompe le palle. En résumé et en clair pour les plus jeunes: “ça m’fout l’seum!”. Pffffffff, ça fait du bien!

Après ce déplorable mais salutaire moment d’égarement que je vous prie de bien vouloir excuser, je vais reprendre le cours normal de cette chronique.

Il y a dans l’allégeance de l’espèce humaine à l’économie quelque chose qui échappe à mon entendement. Pourtant, j’ai essayé de comprendre. Je me suis ainsi imposé, entre autres rattrapages didactiques, les versions originelle (1998) et enrichie (2003) du “Comprendre l’économie” rédigé par l’éminent Philippe Maystadt en collaboration avec la plus obscure Françoise Minet-Dermine. Mais bien que l’ouvrage soit destiné à des étudiants à la frontière entre le secondaire et l’universitaire donc, a priori, d’un niveau de difficulté intellectuelle n’excédant pas mes compétences neuronales, je suis sorti de cette lecture bredouille, sans réponses satisfaisantes à mes questionnements. Ou, pour être plus exact, j’ai découvert la génèse du jeu et me suis initié à ses principales règles mais sans que cela ne dissipe tant soit peu le mystère qui entoure à mes yeux le pouvoir abandonné à l’économie. J’échoue encore et toujours à voir dans celle-ci autre chose que la somme de mécanismes et de règles mis en place par l’Homme pour développer ses activités marchandes. Or, cet Homme apparaît aujourd’hui totalement dépassé par sa création; tout se passe comme s’il avait perdu le contrôle et se trouvait sous le joug d’une entité dotée d’une existence propre qui le domine et le contraint. L’économie n’est plus au service de l’Homme, c’est l’Homme qui est à la botte de l’économie! Tel le monstre du docteur Frankenstein, elle a échappé à son créateur et règne par la terreur.

G8, G20, OMC, FMI, Banque mondiale, MERCOSUR, OPEP, OCDE, Unions douanières, Accords de coopérations, etc. : on multiplie les instruments censés permettre de calmer la bête en ayant totalement oublié que celle-ci n’a d’autre réalité que virtuelle, qu’elle n’est in fine que ce que nous décidons qu’elle soit. On se bat pour sauver les banques, rassurer les marchés, moraliser la finance comme si l’avenir de l’humanité en dépendait mais les banques pourraient disparaître, les marchés déprimer jusqu’au suicide et la finance être interdite de séjour sur Terre sans que ce qui constitue notre vraie et seule richesse à savoir l’intelligence, la créativité, l’innovation mises au service d’une utilisation responsable des ressources n’en soit affectée. Il nous faudrait “juste” mettre en place un autre mode de fonctionnement, d’autres mécanismes et d’autres règles au service d’une autre finalité, par exemple la mutualisation optimale du savoir, des services et de la production.

Bon, je ne suis pas complètement fada, je sais que les choses sont un brin plus complexes que je ne l’exprime ici. Mais il n’en reste pas moins vrai que l’économie ne dispose d’aucune propriété intrinsèque, d’aucun pouvoir de nuisance susceptibles d’affecter les fondements et la sécurité de la société humaine en cas de volonté collective de remise au pas. Cette capacité de faire impunément table rase du passé n’est malheureusement pas de mise pour les déséquilibres environnementaux que nous engendrons au nom de ladite économie…

Ceci étant, j’ai abandonné depuis longtemps naïveté et illusions sur le bord de ma route. Même si je le souhaite, le prône et continue à y travailler (plus que modestement), je ne crois pas/plus en un monde idéal dont le moteur ne serait pas le profit personnel mais le mieux-être collectif, dans lequel chacun travaillerait au bénéfice de tous. L’utopie vantée par Thomas Moore, Charles Fourier et les autres me semble bel et bien une “inaccessible étoile”. Il n’en reste pas moins primordial pour moi de rappeler encore et toujours que cela ne doit rien à la fatalité, qu’il ne tient qu’à nous qu’il en soit autrement. Nos seules limites sont celles du milieu qui nous héberge… et de notre volonté.

L’économie, à l’instar du politique, est ce que nous en avons fait et sera ce que nous voudrons qu’elle soit. Cessons dès lors de nous mettre en position – in fine bien confortable… – de victimes obligées de faire face à des catastrophes infligées par une puissance supérieure. Reconnaître notre responsabilité, c’est aussi (re)prendre conscience de notre pouvoir sur le cours des choses. Et qui sait si, demain ou après, nous n’aurons pas enfin l’envie et le courage de l’exercer, ce pouvoir, pour remettre “l’économie” à sa place et essayer un autre mode, un autre monde.

Allez, à la prochaine. Et d’ici là, noubliez pas: “Celui qui voit un problème et ne fait rien fait partie du problème.” (Gandhi)