Chemin de fer et libéralisation: nos petites lignes sauvées par l’absentéisme ?

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18 janvier 2007. En cette dernière journée de session plénière du Parlement européen à Strasbourg, quelque 200 députés (sur les 785 siégeant) ont décidé de « brosser ». Cet absentéisme inquiétant (25%) a peut-être sauvé nos petites lignes ferroviaires.

La Commission européenne a un crédo : la libéralisation est le meilleure moyen de « redonner un souffle nouveau » à un secteur « peu performant » (ou jugé tel). Très logiquement, la Commission « pousse dans le dos » le Parlement et le Conseil européen afin qu’ils légifèrent en ce sens. Le titre du communiqué de presse de la Commission daté du 03 mars 2004 (IP/04/291) est de ce point de vue éloquent : « Pour un chemin de fer européen de qualité : la Commission propose l’ouverture du marché pour les transports internationaux de voyageurs en 2010 ».
La cause semblait gagnée. En octobre 2003, le Parlement européen votait un amendement demandant l’ouverture à la concurrence de tous les services ferroviaires de transport de passagers, nationaux ou internationaux, au premier janvier 2008. Tout début de cette année, la Commission Transport du Parlement européen se prononçait en faveur d’une dérégulation complète des transports internationaux en 2008. Les transports nationaux devaient subir le même sort en 2012. Certains s’en réjouissaient, en considérant ces mesures comme salutaires pour revitaliser un secteur jugé moribond. D’autres, dont nous sommes, s’en inquiétaient, craignant de voir de gros opérateurs venir concurrencer la SNCB sur les liaisons nationales les plus «rentables» (économiquement s’entend) au détriment des lignes moins fréquentées.
Coup de théâtre : en session plénière à Strasbourg, le Parlement se prononçait le 18 janvier pour une ouverture du marché des passagers internationaux en 2010. Mais refusait de fixer une échéance pour le trafic national. Pour avaliser la position de la Commission Transport, le vote devait rassembler une majorité qualifiée de la moitié des inscrits. 195 députés ont voté contre, 40 se sont abstenus et 358 ont voté pour. Il s’en est donc fallu de 35 voix pour obtenir la majorité qualifiée. Pour beaucoup d’observateurs, la garantie de maintien des petites lignes non économiquement rentables était largement insuffisante dans la proposition soumise au vote et rejetée le 18 janvier. Cette nouvelle réjouira donc les nombreux citoyens (qu’ils soient usagers ou travailleurs du secteur) concernés par les petites lignes de la SNCB.

Pour la petite histoire, relevons, dans les arguments avancés par la Commission européenne pour justifier sa politique de libéralisation, les résultats d’un sondage réalisé en 2003 (Eurobaromètre 59.2 réalisé au printemps 2003) dans les Quinze Etats membres, que 70% des personnes interrogées étaient en accord avec l’affirmation : « Si les normes de sécurité sont respectées, la concurrence est la meilleure façon d’augmenter l’efficacité ferroviaire ». Cette manière d’orienter la réponse en posant la question est en opposition flagrante avec, par exemple, la procédure suivie par le CRIOC dans le cadre de son étude sur la perception des trois entreprises publiques Poste, Belgacom et SNCB par les consommateurs (Etude DéPart, décembre 2004). Selon les résultats de cette étude, si un consommateur sur 10 n’était pas satisfait des services prestés par la SNCB, la proportion augmentait à 1 sur 7 pour la Poste et à 1 sur 4 pour Belgacom. Soit une satisfaction plus grande pour l’entreprise publique la moins engagée sur la voie de la libéralisation… De quoi remettre en cause quelques idées reçues !