Appel pour une Europe ambitieuse sur le CO2 des automobiles

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Les voitures et véhicules utilitaires légers (VUL ou camionnettes) sont responsables de 13,5 % des émissions totales de CO2 de l’Union européenne. Entre 1990 et 2010, les émissions de CO2 des transports terrestres (dont 96% sont imputables au seul mode routier) ont augmenté de 21% en Europe et de 33,6% en Belgique. Maîtriser cette évolution négative du secteur des transports s’avère donc indispensable si l’Europe veut répondre au défi climatique et baisser de 90% ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Un objectif qui requiert la mise en place d’une politique intégrée dont un élément central réside en une législation ambitieuse en matière d’émissions des véhicules neufs.

En juillet 2012, la Commission européenne a publié ses propositions de révision des règlements relatifs aux émissions de CO2 des voitures et VUL neufs[Voir les fiches de procédure sur le site du Parlement européen : [Voitures et VUL ]]. Elle y confirme les objectifs de 95 gCO2/km en 2020 pour les voitures et de 147 g/km pour les camionnettes. Sans remettre explicitement en cause ces niveaux, l’industrie (particulièrement allemande) a allumé une série de contre-feux face à ce que, dans une vision à très court terme, elle considère comme une menace. Une trop grande attention portée à ces intérêts corporatistes s’avérerait nuisible non seulement au climat planétaire – dont les populations du sud ont déjà à souffrir les dérèglements – mais aussi au portefeuille des consommateurs européens. Un renforcement des objectifs de réduction des émissions a en effet, outre d’évidents bienfaits environnementaux, de nombreux impacts bénéfiques en termes économiques et sociaux. Une meilleure efficacité énergétique est synonyme de réduction des factures de carburant pour les citoyens et les entreprises, raison pour laquelle le BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) s’est prononcé en faveur d’un objectif de 70 g/km en 2025. En outre, la réduction de la consommation permet d’augmenter la résilience de l’Union européenne face au renchérissement des prix de l’énergie.

Limitons l’analyse aux seules voitures. Conclus dès 2008 – soit 12 ans avant l’échéance – les accords relatifs à l’objectif de 95 g/km en 2020 ont donné à l’industrie toute la visibilité nécessaire pour développer les technologies à même de répondre à cet enjeu et il est aujourd’hui acquis que l’objectif intermédiaire de 130 g/km en 2015 sera atteint avant l’heure (les émissions étaient d’environ 135,8 g/km en 2011). Des mécanismes dits « de flexibilité » atténuent cependant la portée des objectifs d’émissions. L’un des grands enjeux du processus de révision en cours est de limiter la portée de ces mécanismes. L’autre est de fixer des objectifs à « long terme », c’est-à-dire pour l’échéance 2025 – soit dans 12 ans.

Dans sa proposition de révision, la Commission européenne ne mentionne pas d’objectif 2025 mais tente effectivement de réduire les flexibilités. Le Parlement européen, dont la commission ENVI a voté sur le sujet le 24 avril, se prononce tout à la fois pour des flexibilités limitées et pour un objectif de 68 à 78 g/km en 2025. Le Conseil des Ministres européen doit également se positionner dans les semaines à venir dans le cadre d’un processus de trialogue avec la Commission et le Parlement européens. Certains pays qui exportent beaucoup d’automobiles fort émettrices de CO2 – Allemagne en tête – tentent d’infléchir la position du Conseil dans le sens d’une ambition minimale. Il revient donc aux pays « progressistes » – au rang desquels on peut heureusement compter la Belgique – d’équilibrer les forces afin de donner à l’industrie comme aux citoyens un message clair.

Les objectifs de réduction en discussion peuvent paraître ambitieux. Ils ne constituent pourtant qu’un élément, indispensable mais modeste, d’une politique intégrée de maîtrise du secteur des transports et, spécifiquement, de la demande de mobilité comme le Conseil Fédéral du Développement Durable (CFDD) le réclamait déjà en 2002. Il convient par exemple d’éviter l’effet rebond (rouler plus en raison de la diminution de la consommation). Ces objectifs doivent par ailleurs être appréciés à la lumière de l’impératif de réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre pour les pays « développés » ; les transports ne peuvent jouir d’un régime d’exception qui aurait inévitablement des répercussions sur d’autres secteurs plus vitaux (l’alimentation, la santé…). Les pays européens ne peuvent décemment s’exempter de réaliser une refonte complète de leurs systèmes de transport sachant qu’une telle inaction aggraverait les effets des changements climatiques dont les populations moins riches subiront – et subissent déjà – le plus fortement les conséquences.
La proposition de révision de la Commission constitue dès lors une base minimale en-dessous de laquelle il convient de ne pas descendre. La classe politique belge peut jouer un rôle décisif dans les débats. Les femmes et les hommes politiques engagés dans ces dossiers doivent résister aux assauts de l’industrie automobile allemande, laquelle ne représente qu’une partie des intérêts des constructeurs automobiles, lesquels ne représentent eux-mêmes qu’un cinquième des emplois directs du secteur automobile en Europe. L’intérêt des citoyens – tant européens que du monde – doit primer sur les intérêts financiers à court terme de quelques-uns.

Signataires :

 Courbe Pierre, chargé de mission Mobilité, Fédération Inter-Environnement Wallonie

 Moureau Thomas, Public Affairs Counsellor, CRIOC

 Rigot Véronique, chargée de recherches et de plaidoyer Environnement & Développement, CNCD-11.11.11 asbl

 Van der Meulen Brecht, Campaigner Energie, Greenpeace Belgique